Pinter sur Beckett : d’une lucidité à l’autre

Harold Pinter jouant "Krapp’s Last Tape" ("la Dernière bande") de Samuel Beckett, au Royal Court Theatre, Londres, 2006.

L’auteur de Trahisons, du Gardien, de Ashes to Ashes soumettait ses dialogues au jugement sûr de Samuel Beckett. Celui avec lequel il avait eu, à la Coupole, ce bref et mémorable échange rapporté dans Vous partez déjà ?, le journal intime d’Antonia Fraser, la seconde femme de Harold Pinter : « Désolé, Sam, d’avoir l’air aussi sobre. — Oh, tu ne peux pas l’être plus que moi, Harold. » Il rendait ainsi hommage à son ami dans Un verre après minuit :

« Plus il va loin, plus ça me fait du bien. Je ne veux pas de philosophies, de tracts, de dogmes, de credo, d’échappatoires, de vérités, de réponses, rien de facile ni de bon marché. C’est l’écrivain le plus courageux, le plus implacable qui soit, et plus il m’enfonce le nez dans la merde, plus je lui suis reconnaissant. Il ne me raconte pas de conneries, il ne me fait pas de baratin, il ne m’envoie pas d’œillades, il ne me fourgue pas de remède, de voie, de révélation, ni même un plein seau de miettes, il ne me vend rien que je ne veuille acheter, d’ailleurs il se fiche que j’achète ou pas, il n’a pas la main sur le cœur. Eh bien moi, je prends tout, de la première à la dernière ligne, parce qu’il n’oublie de retourner aucune prière, il ne laisse aucun asticot abandonné. Ce qu’il apporte, c’est la beauté incarnée. Son travail est magnifique. »
(1954)

  • Harold Pinter, Un verre après minuit, L’Arche, 2009.
  • Antonia Fraser, Vous partez déjà ? Ma vie avec Harold Pinter, BakerStreet, 2010.

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